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17. Exposition au Palais de Tokyo, entre février et mai 2015.

Interlude : Foreign office, Bouchra Khalili


Je ne sais plus avec qui j’étais. Je me rappelle simplement m’être assise dans la salle, après ma traversée des galeries bruyantes, pleines de monde et d’oeuvres. Le bord des mondes[17] était plein, mais il y avait un peu plus de silence, là. Un peu plus de temps.
Je me rappelle surtout le film. 
Je me rappelle surtout les visages, filmés de façon crue, des protagonistes à l’écran ; les mains qui déplacent des photographies sur un fond noir.


En fait, non.

 

Je me rappelle surtout les trois langues, qui se mêlent, qui cohabitent, comme ont cohabité tous ces mouvements révolutionnaires à Alger entre 1962 et 1972. 
Je me rappelle aussi que les figures sur les images sortent une à une de l’écran. Il ne reste, à un moment, que trois photographies. C’était la première fois que j’entendais parler des Black Panthers
Je me rappelle l’idée de déception ; je me rappelle aussi la construction qui se produit : entre les événements, dans la mémoire, dans l’image aussi. 


J’ai regardé le film deux fois : une fois sous-titré en anglais, une fois en français. J’avais peur de rater quelque chose. On a toujours peur de rater quelque chose quand c’est une langue qu’on maîtrise moins bien. 


Je ne me rappelais pas du tout la carte, vaguement les photographies. Je ne la verrai que des semaines plus tard, en feuilletant le catalogue chez Anaïs. 


Je repense encore à cet archipel de Fronts de libération en regardant le ciel d’hiver aujourd’hui. Je repense aux engagements.


Je pense aux gens que je fréquente ; je pense aux colères qui nous traversent et dont nous ne savons que faire. 

« Even my family archive is lost. In 1977 our house burned down, and the only thing that was saved was my little brother. (...) Everything else was erased. Today I only have one picture of my sister, my brother, and me, and one picture of my parents when they got married.  So, to deal with absence—forgetting, amnesia, loss—becomes very pregnant. »


Otobong Nkanga

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